Freebox Delta : peut-on vraiment espérer du 10 Gb/s ?

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Longtemps réservée aux entreprises, la mise en place d’un réseau 10 Gb/s est aujourd’hui accessible au grand public. Hourra ? C’est du moins ce que le fournisseur Free promet avec sa nouvelle box Internet, la Freebox Delta, que nous avons testée en février dernier. Mais le 10 Gb/s est-il pour autant une réalité aujourd’hui ? Tout le monde peut-il vraiment y avoir accès ? Nous avons analysé point par point tous les éléments indispensables à un tel débit et vous livrons nos conclusions quant à son accessibilité.

Freebox Delta : on a testé la nouvelle box de Free qui vaut très cher

Chez Free, qui y a droit ?

Le 10 Gb/s n’est pas vraiment une nouveauté, puisque certaines entreprises en sont équipées depuis plus d’une dizaine d’années. Mais la technologie était surtout réservée à un usage en « local », et rares étaient les compagnies qui pouvaient se targuer d’avoir un accès à Internet à 10 Gb/s. Avec la Freebox Delta, Xavier Niel tente de démocratiser cette technologie, en l’apportant aux foyers équipés en fibre optique.

En théorie donc, il suffit d’être fibré pour y prétendre. En pratique, c’est plus compliqué que ça. D’une part, parce que le 10 Gb/s n’a jamais été réellement atteint sur une ligne Free. L’opérateur promet d’ailleurs dans son contrat un débit maximum estimé de 8 Gb/s en descendant, et de 400 Mb/s en montant.

Une intervention de l’opérateur est nécessaire

L’autre point à prendre en considération, c’est l’équipement du NRO (Noeud de raccordement optique, équivalent du DSLAM pour l’ADSL). Sur tous les forums dédiés à la Freebox Delta, des utilisateurs s’étonnent d’être cantonnés à du 1 Gb/s, alors que l’opérateur leur assure une éligibilité au 10 Gb/s. Il existe de nombreuses spécificités liées au déploiement de la fibre (P2P, EPON, ZMD, etc.), mais pour faire clair, retenez une chose : la migration vers du 10 Gb/s n’est pas immédiate et l’opérateur doit entreprendre des travaux pour chaque NRO. Et il risque de s’écouler plusieurs années avant que ça soit le cas.

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Le 10 Gb/s à la maison : c’est cher et pas évident à mettre en place

Pour profiter du 10 Gb/s à la maison, ce n’est pas simple, car en dehors de la Freebox Delta dédiée à la réception des données, il est impératif de s’assurer que toute l’installation matérielle offre du 10 Gb/s.

Si l’on souhaite enregistrer directement ses données sur le NAS de la Freebox Delta, il est tout d’abord nécessaire de l’équiper de disques SSD. La vitesse d’un disque dur en écriture classique oscille entre 1,2 et 1,6 Gb/s (ou entre 150 et 200 Mo/s si vous préférez). Même avec quatre unités montées en RAID 5, impossible d’atteindre du 10 Gb/s. Le cas d’un SSD est en revanche bien meilleur. On peut doubler, voire tripler la rapidité d’un disque dur classique. Mais ne vous attendez pas pour autant à enregistrer vos données à 10 Gb/s : en prenant en considération la vitesse maximale d’un SSD, qui est de 500 Mo/s (soit 4 Gb/s) en moyenne, on se dit qu’avec 4 SSD montés en RAID 5, on devrait pouvoir tranquillement obtenir une vitesse d’écriture de 10 Gb/s.

En réalité, cette rapidité n’est jamais atteinte pour de multiples raisons : le débit est généralement ralenti à cause de la taille des fichiers (plus ils sont plus petits, plus leur écriture successive est lente). En outre, une écriture en RAID 5 avec 4 disques ne signifie pas que le volume de données transférées est multiplié par 4, justement à cause du système de parité employé par la méthode du RAID 5. Vous atteindrez donc dans le meilleur des cas une vélocité de 6 ou 7 Gb/s. Enfin, et c’est un élément aussi à prendre en considération : le prix de 4 disques SSD de grosse capacité risque d’en rebuter plus d’un. Comptez 140 € par disque.

Liaison filaire indispensable

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Enregistrer ses données sur le NAS de la Freebox Delta, c’est bien, mais pouvoir en profiter sur toutes les autres machines de la maison en maintenant le débit à 10 Gb/s, c’est encore mieux. Si toutes vos machines sont en Wi-Fi, c’est peine perdue : la Freebox Delta culmine « en théorie » à 4,4 Gb/s en mode sans fil. On est loin du 10 Gb/s, donc. Il est donc indispensable de se tourner du côté d’une liaison filaire. Là, on profite bien évidemment d’un port SFP+ (capable de gérer du 10 Gb/s), mais il faudra penser à y ajouter un équipement dès lors que l’on souhaite relier plusieurs machines. Car la Freebox Delta n’offre qu’un seul port en 10 Gb/s : un switch est donc nécessaire pour faire transiter les données à une telle vitesse sur 3 ou 4 PC. Il vous obligera à débourser au moins 300 € supplémentaires.

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Il conviendra également de s’assurer que tous les ordinateurs de la maison disposent bien d’une carte réseau PCI supportant le 10 GB. Comptez entre 100 et 150 € par équipement. Enfin, en ce qui concerne la connectique, il est toujours possible d’utiliser ce bon vieux câble Ethernet couplé à un adaptateur SFP+/RJ45 (entre 150 et 200 euros). Attention néanmoins à la catégorie et la longueur des câbles. Oubliez d’entrée de jeu les cat 1 à 5, elles sont totalement incompatibles avec le 10 Gb/s. Optez plutôt pour du cat 5e, 6, 6a ou 7 en fonction de la longueur nécessaire pour relier vos différents points d’accès. Vous trouverez tous les détails nécessaires sur le forum de La Fibre.info. Sinon, vous pouvez aussi opter pour un câblage en SFP+ : c’est beaucoup moins cher, mais cela vous obligera à refaire toute l’installation de la maison.

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Et du côté des serveurs, le 10 Gb/s existe-t-il vraiment ?

Pour atteindre du 10 Gb/s, il faut aussi espérer que toute la chaîne de communication soit à la hauteur, que ce soit du côté des serveurs et de l’infrastructure (le type de fibre déployé). Beaucoup de restrictions, donc.
La grande question est de savoir si les serveurs des hébergeurs sont aujourd’hui capables de transmettre des données à une vitesse de 10 Gb/s. Et là, les hébergeurs ne sont pas très prolixes. Parmi tous ceux que nous avons contactés, le seul qui a accepté de nous répondre est Ionos (anciennement 1and1).

Nous avons eu de la chance, car il s’agit de l’un des plus importants en Europe. Hans Nijholt, responsable des activités professionnelles et de la gestion de produits chez Ionos, résume en ces termes la situation : « Nous disposons déjà de connexions réseau de 10 Gb/s ou plus sur nos plateformes cloud, à la fois en interne et en externe. Nous constatons que les besoins de connectivité en très haut débit, ainsi que les moyens de transmettre d’énormes quantités de données, deviennent de plus en plus pressants sur le marché à mesure que la technologie progresse. »

Mais ne sautez pas au plafond tout de suite, car en réalité, l’offre en 10 Gb/s n’est pas accessible à tous. Le principal intéressé ajoute « Comme nous nous efforçons également d’obtenir le niveau de coût optimal pour nos clients, vous pouvez vous attendre à ce que nous lancions du 10 Gb/s pour notre clientèle élargie dès que nous pourrons l’offrir à un prix raisonnable. » En clair, des serveurs en 10 Gb/s sont déjà en place, mais sont réservés pour l’instant aux très grosses entreprises.

Le reste du Web est quant à lui cantonné à du 1 Gb/s classique. Le porte-parole de Ionos rajoute d’ailleurs que « actuellement, le 10 Gb/s coûte environ cinq fois plus que le 1 Gb/s. Une introduction généralisée n’est donc pas économique à l’heure actuelle. Cependant, par le passé, nous avons toujours constaté qu’une innovation technique permettait de réduire les coûts. Je suis convaincu qu’une connexion en 10/s Gb deviendra la norme. Probablement plus tôt que prévu. »

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Que peut-on réellement faire d’un tel débit ?

Au final, même en supposant que vous disposiez de toute l’installation nécessaire au 10 Gb/s, un tel débit est franchement utopique pour le moment. Alors oui, depuis le lancement de la Freebox Delta, on voit fleurir sur le Web des captures montrant un débit de 7 ou 8 Gb/s en descendant. Mais comme tout Speedtest qui se respecte, ce débit est hyper théorique et ne représente nullement la vitesse réelle que l’on peut espérer. Le serveur en face ne dispose que très rarement de la puissance d’émission requise.

À titre de comparaison, quand on télécharge sur un FTP ou en HTTP via une liaison fibrée en 1 Gb/s, rares sont les fois où l’on atteint réellement les 800 Mb/s, la moyenne se situant plus généralement aux alentours des 350-400 Mb/s. Inutile d’espérer accéder à un site Web plus rapidement grâce au 10 Gb/s. Même chose pour le téléchargement d’un volumineux fichier.

Seul le p2p éventuellement peut apporter pour l’instant une solution, puisque l’envoi de données est réparti entre un grand nombre d’utilisateurs (qui font office de serveurs, par conséquent). Mais il s’agit finalement d’un usage très limité.

La vraie question est peut-être finalement la suivante : à quoi peut bien servir un tel débit ? Pour l’instant, à pas grand chose. Le stream d’un flux Ultra HD sur une plateforme comme Netflix ne requiert que 25 Mb/s. Le téléchargement d’un jeu de 50 Go est quant à lui assujetti au serveur qui l’héberge

Alors oui : la fibre optique à 10 Gb/s, c’est génial, mais ce n’est vraiment pas pour tout de suite, malgré la commercialisation de la Freebox Delta. On en reparle dans 4 ou 5 ans, le temps que les prix baissent et que les NRO s’améliorent.

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