L’océan Arctique était recouvert d’une banquise et rempli d’eau douce

Lors d’une période polaire, le niveau des océans est faible, ce qui stoppe les échanges avec le Pacifique. L’océan Arctique se remplit alors d’eau douce.

Au moins deux fois dans ces 150 000 dernières années, l’océan Arctique fut recouvert d’une couche de 900 mètres d’épaisseur de glace et rempli entièrement d’eau douce. Cette découverte surprenante a été reportée dans le dernier numéro du journal Nature. Elle est le fruit d’une longue recherche des scientifiques de l’institut Alfred Wegener et de MARUM.

Arctique
Source : Pixabay

Avec une analyse détaillée de la composition des dépôts des fonds marins, les scientifiques ont démontré que l’océan arctique tout comme les mers nordiques ne contenait pas de sel de mer dans au moins deux périodes glaciaires. Au lieu de cela, ces océans étaient remplis d’une grande quantité d’eau douce sous une épaisse couche de glace. Ces eaux pouvaient se déverser dans l’Atlantique Nord sur de très courtes périodes. Une soudaine arrivée d’eau douce pourrait expliquer les variations rapides du climat qui n’avaient pas encore étaient expliquées de manière satisfaisante.

Les périodes glaciaires

Il y a environ 60 à 70 000 ans, dans un épisode extrêmement froid de la dernière période glaciaire, une grande partie de l’Europe du Nord et de l’Amérique du Nord était sous les glaces. En Europe, le manteau de glace s’étendait sur plus de 5 000 kilomètres, de l’Irlande et l’Écosse à la rive orientale de la mer de Kara en passant par la Scandinavie. Côté continent américain, une grande partie de ce qu’est aujourd’hui le Canada était prise sous deux larges couches de glace. Le Groenland et une partie du littoral de la mer de Béring l’étaient également. Mais que se passait-il plus au nord dans l’océan Arctique ?

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Les scientifiques ont pu répondre à cette question qui restait en suspens. Jusqu’à présent, seules quelques traces de vastes plateformes de glace avaient été trouvées dans l’océan Arctique. Les scientifiques en charge de l’étude ont compilé les preuves existantes avec de nouvelles données pour en arriver à une conclusion pour le moins étrange.

Selon leurs résultats, la banquise recouvrait de larges parties de l’océan Arctique dans les 150 000 dernières années. Lors de deux périodes glaciaires, l’eau douce accumulée sous la glace a créé un océan d’eau douce pour des centaines d’années.

« Ces résultats vont réellement changer notre compréhension de l’océan Arctique dans les périodes glaciaires. A notre connaissance, c’est la première fois que l’hypothèse d’un océan Arctique et des mers du nord remplis d’eau douce est prise en considération et cela ne serait pas arrivé une, mais deux fois, » déclare l’auteur principal, Dr Walter Geibert, géochimiste à l’institut Alfred Wegener.

Pas de thorium, pas de sel ?

Leur découverte est basée sur l’analyse des différentes couches de sédiments de différentes parties de l’Arctique. Ces couches sont le miroir des événements climatiques passés. En comparant la composition des sédiments des différentes zones, les scientifiques ont découvert qu’il manquait un élément important et toujours sur les deux mêmes périodes. « Dans l’eau de mer salée, la décomposition de l’uranium naturel forme toujours du thorium 230. Cette substance s’accumule au fond des mers et reste détectable un long moment étant donné sa période de demi-vie de 75 000 ans, » détaille Walter Geibert.

De ce fait, les géologues utilisent souvent cet isotope du thorium comme horloge naturelle. « Ici sur 2 périodes, l’absence répétée et sur une large zone nous révèle ce qu’il s’est passé. Selon nos connaissances, la seule explication logique de cette situation c’est que l’océan Arctique s’est rempli deux fois d’eau douce sous forme liquide et solide, » explique le Dr Jutta Wollenburg, co-auteur et microbiologiste.

Une nouvelle image de l’Arctique

Comment un si grand bassin océanique, connecté en plusieurs endroits à l’océan Pacifique et à l’atlantique nord a-t-il pu se remplir d’eau douce ? « Un tel scénario est envisageable si l’on prend en compte que pendant une période glaciaire, le niveau des mers était au moins 130 mètres plus bas qu’aujourd’hui et que d’énormes masses de glace en Arctique bloquaient la circulation » selon le professeur Ruediger Stein.

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Les connexions peu profondes comme le détroit de Béring étaient au-dessus du niveau de la mer, isolant totalement l’Arctique de l’océan Pacifique. Dans les mers nordiques, de grands icebergs ou des calottes glaciaires s’étendaient sur le fond marin formant ainsi des barrages. De plus, l’écoulement des glaciers, la fonte des glaces en été et les rivières ont continué d’alimenter le bassin en eau douce, déversant au moins 1200 kilomètres cubes par an. Cet afflux d’eau douce forçant le passage dans des connexions étroites aurait simplement empêché l’eau saline de pénétrer plus au nord, provoquant la désalinisation de l’océan Arctique.

Jusqu’à présent, les études montraient une incohérence entre les différents niveaux des mers notamment lors de l’observation des reliefs de corail. « Si l’on accepte le fait que l’eau douce n’était pas seulement stockée sous forme solide, mais aussi sous forme liquide dans l’océan, on retrouve une cohérence entre la localisation des récifs et les calculs des quantités d’eau douce, » explique Walter Geibert.

Une origine probable du changement climatique

Cette hypothèse expliquerait également le changement brutal du climat lors de la dernière période glaciaire. La température au Groenland avait, sur quelques années seulement, grimpé de 8 à 10 °C avant de revenir à la normale quelques centaines ou milliers d’années plus tard.

« Nous voyons ici l’exemple d’un ancien point de bascule du climat. Nous devons maintenant étudier plus en détail comment ces processus étaient interconnectés et comment ce nouveau concept peut contribuer à combler les lacunes dans nos connaissances, en particulier au vu des risques de changement climatique d’origine humaine, « déclare Walter Geibert.

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