NASA : les femmes seraient de meilleures astronautes, le rapport jamais publié

Il y a soixante ans, deux scientifiques de la NASA ont découvert que les femmes feraient objectivement de meilleures astronautes que les hommes. Pourtant, leur travail n’aura jamais été publié. En 2022, le bilan n’est pas reluisant : seulement 67 astronautes sur plus de 600 personnes à être allé dans l’espace étaient des femmes.

Mercury 13
Documentaire sur Mercury 13 © Netflix

Du vol inaugural de Valentina Terechkova en 1963 à la mission Soyouz MS-19 en 2021, seulement 67 femmes sont allées dans l’espace. 67 femmes, un chiffre que l’on pourrait croire comme étant relativement élevé. Mais remis en perspective, il paraîtrait presque ridicule, voire offensant, puisque au total, plus de 600 personnes sont allées dans l’espace, sur une période 59 ans.

Ainsi, en près de 60 ans, seulement 15 % des vols spatiaux habités comprenaient des femmes à bord, comme l’évoque cette étude (The Case for Space Sexology) de l’Université de Concordia. Un chiffre qui fait peine à lire, surtout lorsque l’on sait que de nombreuses femmes ont révolutionné les sciences, les mathématiques ou l’ingénierie spatiale, comme Dorothy Vaughan ou Kitty O’Brien Joyner, et que d’autres présentaient des aptitudes supérieures, comme les femmes du programme Mercury 13.

Les femmes auraient objectivement fait de meilleures astronautes, mais le gouvernement américain en aura décidé autrement

À la fin des années 1950, le Dr. W. Randolph Lovelace II et le général de brigade Don D. Flickinger, président et vice-président du comité spécial de la NASA et tous deux experts en médecine aérospatiale, ont sérieusement discuté de la possibilité d’envoyer des femmes plutôt que des hommes dans l’espace.

En effet, comme l’explique point par point cette perspective publiée dans Advances in Physiological Education en 2009, les femmes auraient « de manière pragmatique » fait de meilleures astronautes, selon les deux hommes. Leur étude évoquait plusieurs arguments : d’une part, l’équipage aurait profité d’une réduction du carburant de propulsion nécessaire pour envoyer la charge de la fusée dans l’espace, car les femmes étaient plus légères. D’autre part, elles auraient eu besoin de moins d’oxygène que les hommes.

Jerrie Cobb
Jerrie Cobb pendant un entraînement en 1960 © NASA

Autre argument avancé par les deux hommes, les femmes étaient connues pour avoir moins de crises cardiaques que les hommes. Deux fois moins de risques même, selon si l’on en croit cette récente étude. Des données préliminaires suggéraient également que les femmes pouvaient surpasser les hommes dans des espaces exigus, en isolement prolongé. Enfin, dernier élément, moins pragmatique et plus empirique pour le coup, le système reproducteur interne de la femme était à l’époque vu comme étant « moins sensible aux radiations que celui de l’homme ».

Malgré leurs tentatives pour convaincre la NASA et le gouvernement, l’idée que des femmes deviennent astronautes aura rapidement été balayée d’un revers de la main par Dwight Eisenhower, qui avait estimé que les candidats astronautes ne devraient être recrutés que dans les rangs des pilotes d’essai d’avions de chasse militaires. Sauf qu’à l’époque, les femmes étaient tout simplement exclues de cet emploi.

Un programme financé avec des fonds privé, en marge de ceux de la NASA

Pourtant, Lovelace et Flickinger pensaient que les femmes étaient plus que prêtes à relever le défi des vols spatiaux. Ainsi, avec l’aide d’un financement privé et au sein d’une installation à Albequerque, au Nouveau-Mexique, les deux hommes ont poussé une poignée de femmes aviatrices à s’entraîner afin de passer des examens d’entrée similaires à ceux de la NASA.

Jerrie Cobb, 28 ans, aura été la première à être sélectionnée et à réussir le programme avec brio. Lovelace aura ensuite obtenu plus de financements et motivé plus de femmes pilotes à passer ses tests d’astronaute, dans le cadre d’un nouveau programme particulièrement difficile, le fameux programme Women in Space, que la série For All Mankind disponible sur Apple TV+ évoque avec brio.

Jerrie Cobb se tient devant une capsule spatiale du projet Mercury en talons et gants.
Jerrie Cobb devant une capsule spatiale du projet Mercury en talons © NASA, DR

Le programme, qui aura finalement recruté 19 candidates, était bien plus dur que celui destiné aux hommes à la NASA, comme l’évoque ces interviews. En plus d’un examen gynécologique, les femmes avaient à endurer un test de privation sensorielle : elles étaient immergées dans un réservoir insonorisé — dans le noir et rempli d’eau à température corporelle — pendant des heures, dans le but de défier leur endurance psychologique. Rhea Hurrle et Wally Funk auront tenu pendant près de dix heures, avant que le personnel ne mette fin à l’essai. Un test équivalent existait à la NASA au sein du programme Mercury, mais les hommes « ne tenaient que deux à trois heures, au maximum », comme l’indiquait Lovelace.

Voir aussi : Christina Koch a battu le record féminin du plus long voyage dans l’espace

L’échec de Mercury 13

Au total, 13 des 19 femmes (soit 68 %) auront terminé le programme Mercury 13 avec brio. À titre de comparaison, à la même époque, 18 des 32 hommes (soit 56 %) auront terminé le programme équivalent de la NASA. Au total, sept d’entre eux auront finalement été sélectionnés pour former Mercury Seven, dont Alan Shepard ; quant à la suite des événements, celle-ci est déjà écrite au sein de nos livres d’histoire.

Quant aux détails du programme Women in Space, ces derniers n’auront jamais été publiés, ils ne se seront retrouvés dans aucune revue scientifique. Plus tard, l’aptitude des femmes en tant qu’astronautes aura simplement été démolie dans cet article, qui affirmait que le cycle menstruel pouvait affecter les performances d’un vol spatial.

 Gene Nora Jessen, Wally Funk, Jerrie Cobb, Jerri Truhill, Sarah Rutley, Myrtle Cagle et B. Steadman
Des femmes du programme Mercury 13 (gauche à droite Gene Nora Jessen, Wally Funk, Jerrie Cobb, Jerri Truhill, Sarah Rutley, Myrtle Cagle et B. Steadman) © NASA

En 1962, deux des femmes aviatrices du programme Women in Space, Jerrie Cobb et Janey Hart, seront passées devant un comité restreint. Des représentants de la NASA, dont les astronautes de Mercury Seven John Glenn et John Carpenter, n’étaient pas partants, soulignant « le manque d’intérêt des femmes pour la formation d’astronaute », « le manque de femmes qualifiées » et le fait que « l’ordre social dominant n’acceptait pas les femmes dans ce rôle ». Le groupe sera finalement sèchement dissous par le gouvernement américain, avant même la fin des examens. Aucune de ces femmes ne volera dans l’espace, jusqu’en 2021.

Un an plus tard, à l’été 1963, Valentina Terechkova, à bord de Vostok 6, sera la toute première femme à décoller pour un vol habité vers l’espace. Il faudra ensuite attendre 19 ans pour que Svetlana Savitskaïa suive ses pas, et encore un an, en 1983 pour que Sally Ride, astrophysicienne et astronaute, soit la première américaine à décoller vers l’espace.

Il faudra encore attendre 2021 pour que la première femme chinoise de l’histoire effectue un vol suborbital et surtout, pour que Wally Funk, aviatrice et astronaute américaine, première instructrice de vol à Fort Sill, première femme inspectrice de la Federal Aviation Agency et bien évidemment membre de Mercury 13, ne fasse son premier vol suborbital, assise aux côtés de Jeff Bezos. À 82 ans.

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